Nouakchott 11/10/2006
NEWS:
- Plein de photos supplémentaires dans Mauritanie
- Même chose dans Maroc très prochainement
- Peut être un jour des vidéos... a suivre
Il est de ces lieux dont le nom berce nos rêves depuis toujours sans que l’on n’ait jamais su dire pourquoi. Quoi que je n’en connaisse rien, la ville de Nouakchott m’a toujours intrigué. Pourquoi ? Ce port au milieu du désert, ce nom qui claque sous le palais… Le charme des lieux rêvés s’estompe souvent bien vite une fois qu’on y a posé les pieds. Toutefois, une fois passée la première déception, un endroit doit toujours s’adopter et je dois dire que je crois bien y être arrivé ici. Flâner dans les rues, s’arrêter, discuter, rentrer dans une boutique, puis l’autre, s’asseoir par terre et regarder les gens vivre. Au premier passage on vous dévisage, au second vous êtes d’ici et on vous salue amicalement. Même une demi journée de marche dans une chaleur étouffante à la recherche d’ambassades qui n’existent en fait pas n’a pas réussi à entamer la quiétude que je ressens ici.
Mais cet endroit secret, cette ville qui m’interpelle, j’ai fini par la reconnaître à 5h de l’après-midi dans le port de pêche, quand les marins mettent pied à terre pour venir vendre les prises du jour. Eclatement de couleurs, effusion de senteurs, les pirogues s’élancent sur le sable, chargées de poisson. Les pêcheurs lancent les caissent à terre tandis que les femmes marchandent déjà le prix avec les acheteurs. Plus tard, quelques pêcheurs satisfaits de leur journée somnolent sur les filets entassés, les mules se battent avec le sable pour charrier les dernières charrettes de poisson. On range, on répare, on tisse, la plage se vide doucement jusqu’au lendemain matin où tout recommence. Se fondre dans cette masse mouvante apporte un jouissif sentiment d’appartenance.
Mais depuis Laayoune, la route fut bien longue jusqu’à Nouakchott. Il suffit de regarder une carte du monde pour voir que cette route n’est que désert et désolation. Les 6 jours dans le Sahara Occidental n’ont pas été une expérience facile. Le pays est dur et sec comme ses habitants, sable et cailloux, platitude désespérante, rien à entendre, rien à voir, pas même une colline pour distraire le regard. Quentin Moreau m’a envoyé une phrase d’Ella Maillart qui résume bien l’état d’esprit dans lequel on se retrouve en de telles épreuves : «Grandiose
désolation. Comme en mer, la monotonie donne un relief extraordinaire aux moindres événements. »
Un fort vent de dos m’a heureusement été de grand secours à tel point que j’ai plusieurs jours de suite dépassé les 200 km/J. L’histoire a pris une toute autre tournure à
Les 4 jours de route entre Nouadhibou et Nouakchott ne furent pas des plus faciles. Casses, maladie (mas moi maman, ne t’inquiète pas), vent, beaucoup de vent. Et quand les yeux pleurent, que le zoom de l’appareil photo commence à faire « crac – crac » et que la chaîne du vélo n’en finit plus de faire « crouic – crouic » on finit par se dire que là, vraiment, ce vent de sable commence à être de trop. Mais comme pour tout, on s’y fait.
Tout doucement, les cailloux ont fini par faire place au sable blanc, puis le sable blanc au sable orange, les dunes ont grandi, aussi bien que les arbustes pour finalement nous offrir, sur les 100 derniers km, un paysage simplement fascinant.
Nous sommes actuellement dans une auberge bien agréable en périphérie de Nouakchott. Je me repose, je prends des photos, je discute, je visite. Petit break réparateur en somme. Prochaine étape : St Louis, sur la côte sénégalaise. Et puis peut être Dakar, ou pas, le futur nous le dira…
Ce que j’ai compris de l’Islam:
Lentement, je quitte le monde de l’Islam pour me diriger vers des peuples aux croyances plus hétéroclites, le moment me paraît donc bien choisi pour faire le point sur ce que j’en ai compris. Maintes fois j’ai eu le temps d’en discuter avec les rencontres de fortune, et souvent durant de longues heures. Mes connaissances en la matière ne sont que très faibles mais, toutefois, de nombreuses redondances dans les dires de mes interlocuteurs me permettent de tirer certaines conclusions objectives sur la manière dont le peuple vit sa foi.
Allah est tout puissant… c’est indéniable, ici la culture est totalement indissociable de la religion qui prend une place infiniment plus grande dans la vie de chacun que pour un simple Chrétien par exemple. Tout ici est fait pour Allah, par Allah, par crainte d’Allah. Il est donc bien important de comprendre que la manière dont un homme interprète le Coran influencera fondamentalement son comportement social. La clé de voûte du comportement d’un Musulman est le jugement qu’Allah lui portera après sa mort. Si tu as fait le bien dans ta vie, tu iras au paradis, si tu as fait le mal tu iras en enfer.
A priori, la logique peut paraître plutôt bonne puisqu’elle pousse chacun à faire le bien, mais il faut en parler avec un Musulman pour en comprendre les implications qui, jusqu’à maintenant ne m’ont pas encore convaincues.
Sur la route de Dakhla, un jeune homme m’accueillit dans le pompe à essence qu’il tenait avec 5 autres personnes. Après prise de contact autour du thé, il se lanca vite dans un discours qui donnait plus ou moins ceci : « … L’Islam est la meilleure et la plus grande religion, si tu n’as pas compris ceci, tu es sur le mauvais chemin et puisque tu n’es pas Musulman c’est que tu te trompes et Allah dit que tu iras en enfer pour cela (en effet le Coran stipule que toute personne qui ne croit pas en Allah ira en enfer sans jugement). C’est la meilleure religion puisqu’elle pousse les gens à faire le bien et puisque personne ne veut aller en enfer, tout le mode tente de faire le bien…. » Don disours était tellement sans détour que je n’eus pas la force de tenter d’y apporter quelque nuance. Le lendemain matin, de bonne heure, je rejoignis mon vélo. Plus de montre ! On m’avait volé la montre qui était fixée à mon guidon. J’ai presque rigolé en pensant au discours de la veille. Encore un qui ira en enfer ?
Quelques jours plus tard, à Choûm (Mauritanie), un homme tenta encore de me faire comprendre cette logique implacable. « Si tu es Musulman tu ne peux que faire le bien puisque c’est la volonté d’Allah et que tout le monde suit la volonté d’Allah. » Je lui demandai alors s’il n’était pas possible que les gens fassent le bien autour d’eux simplement par envie de rendre leur prochain heureux et pas seuilement parce que leur Dieu le leur a demandé. Il me répondit que les gens qui agissent comme ça sont montrés du doigt. Il utilisa un adjectif en arabe qui doit probablement correspondre à « hypocrites ». Depuis, chaque fois qu’un Musulman m’offre le thé, je ne peux m’empêcher de me dire que ce n’est pas pour me faire plaisir qu’il fait cela mais plutôt pour ne pas aller en enfer.
Ces deux discours m’ont perturbé et depuis je ne peux m’empêcher d’avoir quelques lourdes appréhensions. Les deux mots qui me viennent à l’esprit sont hypocrisie et intolérance et c’est exactement sur cela que se basait une bonne part de l’idéologie Nazi. Je prie ostensiblement pour que tout le monde voie bien que je suis sur le bon chemin et ceux qui ne font pas comme moi je les rejette parce qu’ils ont tort. L’égoïsme a sans doute bien sa place aussi. Je fais plaisir à mon prochain mais ce n’est absolument pas pour lui que je le fais mais pour que moi je n’aille pas en enfer.
Jusqu’à maintenant, je tire comme conclusion qu’une religion aussi répressive, exigeante et totalitaire ne laisse plus aux gens la liberté de se poser la question du « pourquoi ». Pourquoi Allah me demande-t-il cela ? Pourquoi dois-je être bon avec mon prochain ? Je ne crois pas qu’on puisse faire les choses correctement si l’on n’a pas la liberté de pouvoir en comprendre le fondement.
Autre chose. Je suis bien forcé de constater que le guidon de mon vélo est complètement nu alors qu’il comportait au départ un phare, un compteur, une montre… Tous mes ustensiles m’on été volé les uns après les autres… Je ne veux pas jeter la pierre aux Arabes car la pauvreté y est certainement pour beaucoup, la question que je me pose est plutôt la suivante : Comment un homme aussi pieux, aussi proche de son dieu et craignant tellement son jugement ose t’il encore se permettre si impunément de commettre un péché aussi flagrant que le vol ? Tous ces gens iront-ils en enfer ? A cela on me répond que le jugement d’Allah est comme une balance, on pèse le bon et le mal et c’est le plus lourd qui l’emporte. Pour pouvoir voler l’étranger tout en restant dans les grâces de mon dieu suffirait-il donc que je l’invite ensuite à ma table ?
Dans le peuple Arabe, il y a bien quelques électrons libres, des non croyants. De ceux que j’ai rencontrés, tous tiennent le même discours : « La religion est l’opium du peuple.»(Karl Marx) L’opium qui endort l’esprit et diminue la clairvoyance. Et c’est ici que je veux en finir. Dieu est un berger et ses brebis sont satisfaites parce qu’on leur dit où aller. Mais ne se comporteraient-elles pas mieux si on leur laissait le jugement de ce qui est bon et n’est pas bon de faire ?
La réflexion reste en suspens (quoi que les réactions soient les bien venues), elle reprendra dans 6 mois de l’autre côté de la terre avec une nouvelle entrée en pays musulman.